Une interview avec Josiane qui vivait à l'époque du Mur (1961-1989) au Quartier Napoléon - là où étaient stationnés les alliés, les militaires français.

Est-ce que tous les gens pouvaient prendre ce train ou il n'était réservé qu'à certaines personnes ?
Ce train était pour les soldats français et leurs familles, pour les Français qui travaillaient au GMB, c’est-à-dire au Gouvernement Militaire de Berlin et pour les personnes invitées par des gens du GMB.


Et on montait simplement dedans ?
Non, il fallait faire une demande à l’avance au bureau du GMB qui se trouvait au Quartier Napoléon. On disait si on voulait avoir des couchettes ou des places assises, et selon, on payait le billet. Mais c’était gratuit pour les soldats et sinon pas très cher.


Depuis quand ce train existait-il ?

Le premier train est parti en 1982. D'ailleurs il y a une anecdote à ce sujet. Avant le premier départ,il y a eu une cérémonie d'inauguration. La femme du Général des Forces françaises de l'époque, a, pour le baptême de la ligne, lancé une bouteille de champagne qui est malencontreusement tombée sur un joint entre deux wagons. Celui-ci a été endommagé si bien qu'un seul wagon suivait la locomotive.

Où est-ce qu'on prenait ce train ?
Il y avait une gare spéciale pour les militaires français, la gare de Tegel qui existe d’ailleurs encore. Les RER et les autres trains n’avaient pas le droit de s’arrêter là.


Pourquoi le preniez-vous ?

Les personnes du GMB n’avaient pas le droit de prendre d’autres trains. On n’avait pas le droit d’être contrôlé par les Allemands de l’Est, seulement par les Russes.


C'était un train de nuit ou de jour ?
Il partait le soir vers 20h et on arrivait le lendemain matin vers 7h à Strasbourg. A partir du moment où on traversait la RDA, il fallait fermer les rideaux et il était interdit de regarder dehors.


Est-ce qu'il y avait aussi des contrôles à la frontière ?

Seuls les Russes contrôlaient les alliés. Les Allemands de l’Est n’avaient pas le droit ni de contrôler ni de savoir combien de personnes se trouvaient dans le train. Nous, on ne voyait rien des contrôles, on était enfermés dans le train. On ne voyait pas de visages, on n’entendait que des bruits. En arrivant à Helmstedt, à la frontière avec l’Allemagne de l’Ouest, là on avait le droit de regarder dehors et d’ouvrir les rideaux et les fenêtres.


Ça devait être bizarre !
C’était oppressant. Encore maintenant, quand j'y repense, ce sentiment d’oppression remonte. Ce n’était pas du tout rigolo. La première fois, c’était peut-être intéressant, mais à chaque fois, on était confrontés à la séparation. Et les contrôles, surtout en voiture, étaient très sévères. C'est pour ça que beaucoup préféraient prendre l'avion.


Et quand vous arriviez à Strasbourg, vous preniez encore un autre train militaire ?
Non, après on prenait un train normal pour Paris ou autre part.

 

Interview : Alina

Dessins : Alina et David

Texte et dessins © Grand méchant loup | Böser Wolf

Berlin-Paris via Strasbourg en train militaire
à l'époque où Berlin était partagé entre Ouest et Est