Flèche

Avec Madame Merkel, je parle évidemment en allemand

Rencontre avec Jean-Marc Ayrault

Jean-Marc Ayrault est un politique français. Il a été maire de la ville de Nantes de 1989 à 2012, puis il est devenu le Premier ministre français de 2012 à 2014. C'est à ce moment là que les jeunes journalistes du Grand méchant loup l'ont rencontré pour discuter de la France et de l'Allemagne. Depuis le 11 février 2016, il est le ministre des Affaires Étrangères.

Jean-Marc Ayrault, premier ministre français, et les jeunes journalistes du Grand méchant loup.

Est-ce que vous avez déjà eu tôt une relation particulière avec la langue et la culture allemande ?

Jean-Marc Ayrault: J'ai appris l'allemand au lycée, dans ma région de Nantes. J'étais élève dans un lycée et puis après, je suis allé à l'université et j'ai étudié l'allemand pour devenir professeur d'allemand. Et pendant mon cursus universitaire, je suis allé à l'université de Wurtzbourg en Allemagne, c'est en Bavière, en Franconie en fait, et j’y suis resté en 1969-1970.

Et pourquoi avez-vous choisi de devenir professeur d'allemand ?

Jean-Marc Ayrault: Parce que cette langue m'a plu, m'a touché, et j'ai eu envie de l'apprendre et ensuite d'en faire mon métier. Quand on apprend une langue, on s'intéresse aussi à la culture, à la civilisation, aux traditions, aux gens, et donc, j'ai appris à connaître l'Allemagne, à connaître les Allemands. Et ça c'est quelque chose qui est très riche. C'est votre cas puisque vous vivez ici à Berlin.

Est-ce que votre maîtrise de l'allemand vous facilite la tâche dans les rapports internationaux ?

Jean-Marc Ayrault: En tout cas, ça facilite les rapports avec les germanophones. Je l'ai vécu depuis de longues années: j’étais Président du groupe parlementaire à l'Assemblée nationale et j'ai entretenu des relations avec mes homologues* allemands. La langue allemande facilite les choses. C'est vrai en Allemagne, avec les dirigeants politiques au pouvoir, avec la Chancelière, avec certains ministres. C'est vrai aussi avec l'Autriche, je connais le Chancelier Faymann que j'ai rencontré à plusieurs reprises avec lequel je parle évidemment en allemand.

Donc vous parlez allemand avec Madame Merkel ?

Jean-Marc Ayrault: Oui, j'ai eu un entretien avec elle, en tête-à-tête, comme on dit „ unter vier Augen “, voyez, c'est la subtilité des langues, ce n'est pas un tête-à-tête, mais entre quatre yeux, et j'ai donc eu ce plaisir de pouvoir le faire directement sans interprète.

Die Heimat : Le pays d'où l'on vient, là où on se sent chez soi. Die Sehnsucht : La nostalgie, le désir de voir quelqu'un ou quelque chose qui nous manque. Die Gemütlichkeit : Le sentiment de bien-être, de confort.

Est-ce que vous avez un mot préféré en allemand ?

Jean-Marc Ayrault: Ce que j'aime bien, c'est Heimat. C'est à la fois le pays natal, une forme d'intimité, d'attachement. Après, il y a un autre mot qui est assez original en allemand, qui est difficilement traduisible, c’est Sehnsucht. C'est un très beau mot, un peu nostalgique d'ailleurs, un peu sentimental. Et puis Gemütlichkeit : c'est aussi regarder la télé assis dans un bon fauteuil.Gemütlichkeit. Ça, c'est très original, là, quasiment intraduisible en français, mais ça dit bien ce que ça veut dire quand on connait un peu l'Allemagne. Die Gemütlichkeit.

Et pour vous, qu’est-ce qui est typiquement allemand ?

Jean-Marc Ayrault: Il y a beaucoup de choses qui sont typiquement allemandes, mais c'est ça, la  Gemütlichkeit. Ce qui est typiquement allemand, c'est aimer se retrouver ensemble, en dehors de chez soi. Par exemple le Stammtisch dans un bistro, ça, c'est typiquement allemand. Et puis, il y a beaucoup d'autres choses.

Madame et Monsieur Ayrault avec les Grands méchants loups.

Que représente l'amitié franco-allemande pour vous ?

Jean-Marc Ayrault: C'est le socle. D'abord, c'était la base de la construction de l'Europe, parce que sans réconciliation franco-allemande, rien n'aurait été possible, de même qu’ensuite l'Allemagne s'est réconciliée avec la Pologne. Aujourd'hui, l'Allemagne et la France restent le socle de cette construction de l'Europe, non pas exclusive, non pas pour imposer nos vues aux autres pays, mais c'est l'histoire qui nous indique ça.



*Un homologue: c'est un peu comme un collègue, quelqu'un qui remplit les mêmes fonctions.


Interview : Chloé, Emil, Emmanuelle & Ulysse
Dessin : Gaïa
Texte, dessins et photos : © Grand méchant loup - Novembre 2012
drapeau allemand